Trois ans de prison ferme et un avec sursis ont été requis jeudi devant le tribunal correctionnel de Douai (Nord) contre deux responsables de l’ex-société SEB, fournisseur de steaks contaminés à l’E.coli achetés chez Lidl en 2011, qui avaient rendu gravement malades une quinzaine d’enfants.
La décision du tribunal a été mise en délibéré au 27 juin à 09H00.
« Donner à manger un aliment de base à des millions de Français, c’était une lourde responsabilité », a estimé le procureur Jean-Baptiste Miot au troisième et dernier jour du procès.
Or l’enquête a établi plusieurs manquements aux règles de sécurité et d’hygiène de la part des deux prévenus. Guy Lamorlette, 76 ans, ex-gérant de cette société basée à Saint-Dizier (Haute-Marne), et Laurent Appéré, 46 ans, ancien responsable qualité, étaient poursuivis notamment pour « blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ».
« La politique de SEB, c’est d’avoir 50, 60 fournisseurs différents pour trouver la viande la moins chère à un moment donné », a d’abord détaillé le procureur. « Ce n’est pas interdit, mais les risques sont plus importants et il faut que le plan de maîtrise sanitaire (PMS) les intègre. »
Ensuite, « il y a une faute beaucoup plus lourde, le changement unilatéral du PMS. (…) Pour la façade on a un beau plan tout neuf », a moqué le magistrat.

Concrètement, a-t-il expliqué, le jour de la production des steaks mis en cause, « on n’a testé que trois des 13 mêlées », mélanges de viande de découpe et de viande de carcasse.
« Sur ces trois mêlées, une est positive avec 770 germes, au-dessus des 150 maximum demandées par le PMS et des 500 demandées par la règlementation », a relaté le procureur.
Mais « on va juste faire cinq contre-analyses en E.coli » générique et « on ne les teste pas en E.coli015H7 », la souche particulièrement dangereuse qui a provoqué le grave syndrome hémolytique et urémique (SHU) en juin 2011 chez la quinzaine d’enfants, dont l’un reste paralysé et handicapé mentalement. La présence potentielle de cette souche exige normalement des analyses spécifiques -et plus coûteuses- en cas de concentration élevée en E.coli.

– Réglementation floue ?

– Le procureur a également fustigé chez les prévenus « les subterfuges pour échapper aux responsabilités » : « Il y en a quasiment à chaque question, on n’a cessé de tenter de se défausser. »
Jean-Baptiste Miot a aussi réclamé 50.000 euros d’amende contre Guy Lamorlette pour sa responsabilité particulière de gérant « influent ».

« Il n’y a pas de négligence volontaire, et jamais le budget de la sécurité sanitaire n’a été baissé », a plaidé son avocat Me Arnaud Vauthier, demandant la relaxe.

« Soit on interdit la vente de steaks hachés, soit on fait une règlementation beaucoup plus stricte », a-t-il souligné.

Pendant le procès, la règlementation européenne est en effet apparue floue sur certains points. Mais des experts sanitaires ont fait valoir que l’obligation de coopérer constamment avec les services vétérinaires de l’État, bafouée par SEB, avait justement vocation à y remédier.

Me Pierre-Jean Gribouva, l’avocat du responsable qualité, a considéré que « Laurent Appéré était le cocu de l’histoire ». « Il a bénéficié des inconvénients de la délégation de pouvoir -la responsabilité-, sans les avantages -le statut, les moyens. Seulement 0,5% du budget de l’entreprise lui était attribué. »
Laurent Appéré a plusieurs fois relaté des contraintes de temps et d’argent dans son travail, parlant de « camion de viande devant vite partir à la production » sous peine de « fermer l’usine », choquant les familles des victimes. Et faisant dire à l’UFC-Que choisir, partie civile, que le procès était aussi celui d’une certaine filière bovine « low cost ».

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