Le rapport des parlementaires sur le projet de loi simplification est remis, jeudi 15 février, aux ministres Bruno Le Maire et Olivia Grégoire. Ce projet de loi est la concrétisation de la volonté du Gouvernement de transformer l’action publique en simplifiant les démarches des particuliers et en facilitant le développement des entreprises par l’accélération des procédures administratives.
Une inscription de la mensualisation des loyer dans les baux commerciaux dans le projet de loi de simplification
Aujourd’hui, un commerçant doit régulièrement payer ses loyers d’avance par trimestre, impliquant une importante sortie de trésorerie. Lorsqu’il prend possession de son commerce, il doit y ajouter un dépôt de garantie, correspondant à un montant équivalent à trois, six et parfois jusqu’à douze mois de loyers, avant même de débuter son activité.
La nouvelle disposition inscrite dans le projet de loi soumise au Conseil d’État permettra à chaque commerçant qui en fait la demande, y compris sur les baux en cours, d’obtenir une mensualisation et un plafonnement des dépôts de garantie, avec la restitution de trésorerie correspondante. Cette restitution représente un mouvement de trésorerie de deux milliards d’euros. Afin de ne pas impacter la gestion administrative des baux par les bailleurs et les commerçants, la facturation pourra demeurer trimestrielle.
Louis Margueritte, député de Saône-et-Loire, Alexis Izard, député de l’Essonne, Philippe Bolo, député du Maine-et-Loire, Anne-Cécile Violland, députée de Haute-Savoie et Nadège Havet, sénatrice du Finistère, remettent jeudi 15 février à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, leur rapport pour simplifier la vie des entreprises.
Détails et origines du rapport sur le projet de loi simplification
Le rapport des parlementaires sur le projet de loi simplification est constitué de 14 mesures visant à simplifier la vie des entreprises et est le fruit d’échanges, partout en France, avec les acteurs économiques au cours de 50 déplacements et 30 réunions publiques.
Il s’inscrit dans les « Rencontres de la simplification » lancées par les ministres le 15 novembre dernier. Il vient compléter les consultations avec les représentants des fédérations professionnelles, qui ont permis de recevoir près de 1 500 propositions, et la grande consultation publique lancée sur le site make.org, qui a elle permis de recueillir 5 300 propositions et près de 730 000 votes.
Pourquoi un projet de loi sur la simplification ?
Le chantier de la simplification vise à rompre avec l’inflation normative et avec la complexité des procédures qui mettent en difficulté les chefs d’entreprises. Si depuis 2017 plusieurs lois et règlements ont favorisé l’activité des entreprises et amorcé la simplification de leur vie quotidienne, les démarches administratives sont encore et souvent considérées comme un réel frein par les entreprises, notamment les TPE.
Ce rapport constitue donc une étape décisive dans la construction du projet de loi Simplification pour « déverrouiller » l’économie française. Il doit être présenté avant l’été au Parlement.
14 propositions pour simplifier la vie des entreprises
Proposition 1
Mettre fin à des redondances et formalités inutiles identifiées qui relèvent de différents codes (code du travail, code de commerce, code de l’énergie, etc.) tant au niveau législatif que réglementaire.
À titre d’exemple, la suppression des irritants suivants, relevés lors des échanges avec les acteurs économiques sur le terrain, faciliterait significativement la vie des entrepreneurs des TPE et PME.
Au-delà de ces exemples, cette proposition générique nécessite un travail de fond plus approfondi. Il est donc proposé d’établir sous trois mois la liste des principaux doublons (en termes d’impact pour les entreprises) et de les supprimer par la loi ou le règlement (L et R) dans l’année. Ce travail sera poursuivi dans l’année suivante, en visant la suppression de tous les doublons.
Proposition 2
Lever les derniers verrous pour une véritable application du principe de « dites-le nous une fois pour toutes »
Pour l’ensemble de leurs démarches du quotidien, les entrepreneurs des TPE et des PME font face à de multiples interlocuteurs et guichets de l’administration.
Des freins à l’application de ce principe demeurent toutefois alors que les fonctionnalités apportées par les outils numériques devraient permettre d’accélérer les échanges de données sur les entreprises au sein de l’administration. C’est le cas des interfaces de programmation automatisée (API) ou des espaces sécurisés de données.
La combinaison de ces deux solutions permettrait d’éviter à l’administration de demander deux fois un même document et de faciliter les démarches administratives des entreprises en procédant à un pré-remplissage des formulaires en lieu et place de l’entreprise ou en calibrant mieux les informations résiduelles à fournir par celle-ci.
Il est proposé de laisser au maximum deux ans aux administrations pour développer les outils informatiques nécessaires, de manière à ce que plus aucune administration n’ait à demander des informations qu’elle détient déjà (principe général à inscrire dans la loi). Le tout sous le contrôle du Parlement.
Proposition 3
Permettre aux entreprises de moins de 5 ans et de moins de 50 salariés de définir avec les salariés l’application de certaines dispositions des accords de branche.
L’extension automatique des accords de branche soutient la dynamique des salaires et permet de limiter les pratiques anticoncurrentielles entre entreprises d’une même branche. Or, les petites et jeunes entreprises, qui disposent d’un plus fort potentiel de croissance, sont peu représentées dans les négociations des accords de branches.
Dès lors, la mise en place de salaires minimum conventionnels pèse sur leur capacité à créer des emplois. La plupart des accords de branche ne prévoient pas d’adaptation aux TPE et aux PME.
Il est proposé d’intégrer ces dispositions législatives dans le projet de loi. Une expérimentation serait utilement menée dans le courant de l’année afin de confirmer avec les PME les dispositions des accords de branche pouvant faire l’objet de dérogations.
Proposition 4
Alléger les obligations des trois principaux seuils 11-50-250 en les translatant d’un niveau.
La loi PACTE a articulé les obligations administratives des entreprises autour de trois seuils d’effectifs (11, 50 et 250) reprenant ainsi des seuils européens9. Si cette rationalisation a constitué une première étape de simplification, il n’en demeure pas moins que les contraintes associées à chaque seuil demeurent. Ainsi les entreprises de plus de 11 salariés ont des obligations en matière d’emploi de travailleurs handicapés.
Au-delà de 50 salariés, elles doivent nommer un commissaire aux comptes, mettre en place un dispositif de lanceur d’alerte ou établir la BDESE. Une deuxième vague de simplification, en relevant d’un cran les seuils auxquels certaines contraintes s’appliquent, allègerait la charge administrative des TPE et PME et soutiendrait, in fine, l’emploi et la croissance de ces entreprises. Cette évolution doit être strictement orientée vers la simplification, sans introduire davantage de complexité via des seuils intermédiaires.
La création d’un seuil à 1000 salariés, traduisant mieux la réalité économique des ETI françaises et européennes, devrait être soutenue au niveau européen. Certaines obligations valant aujourd’hui dès 251 salariés pourraient être reportés à ce nouveau seuil (critères renforcés pour la définition des licenciements pour motif économique, présence d’un infirmier dans les établissements, renforcement des indicateurs dans la BDESE, etc.).
Ces réflexions doivent être l’occasion de réinterroger les conséquences du franchissement du seuil. Si un délai d’adaptation a été instauré pour certaines obligations, celui-ci ne s’applique pas systématiquement à l’ensemble des mesures portant sur ces entreprises.
C’est le cas par exemple pour le prolongement du bénéfice du statut de jeune entreprise innovante (JEI) qui est moins-disant que la réglementation communautaire lors du franchissement du seuil de 250 salariés en n’exploitant pas pleinement le délai de deux ans permis au sein de l’UE (un exemple de surtransposition du droit européen).
Proposition 5
Aligner les droits bancaire et assurantiel des professionnels et des particuliers.
Le droit bancaire et assurantiel est aujourd’hui plus protecteur pour les particuliers que pour les entreprises, notamment dans les modalités de résiliation et de mise à disposition d’un relevé mensuel des frais acquittés notamment.
À titre d’exemple, les particuliers bénéficient d’un droit à la mobilité bancaire avec l’obligation des établissements de départ de fournir tous les renseignements nécessaires aux établissements d’arrivée sans facturation. Ils peuvent également résilier leur assurance multirisques professionnelle de manière infra-annuelle.
Proposition 6
Privilégier les régimes de déclaration aux régimes d’autorisation.
Les difficultés structurelles auxquelles les TPE et PME sont confrontées du fait de la complexité des nombreuses démarches et obligations qui pèsent sur elles est aggravé par un trop grand recours de l’administration aux procédures d’autorisation plutôt que de déclaration.
Les régimes de déclaration devraient devenir la norme. Les régimes d’autorisation devraient être retenus uniquement lorsque cela est justifié par des raisons particulières (règle européenne, enjeux sanitaires ou de sécurité, etc.).
Proposition 7
Généraliser le principe de dématérialisation des démarches à destination des entreprises tout en remettant le contact humain au cœur de l’administration.
Certaines circonstances exceptionnelles ont conduit l’Etat à adopter des mesures temporaires de simplification s’appuyant sur la dématérialisation des démarches à destination des entreprises. C’est le cas s’agissant de la gestion de la crise sanitaire ou des travaux des Jeux olympiques et paralympiques.
Ainsi les règles d’urbanismes ont été adaptées pour respecter les échéances relatives à la livraison des équipements et infrastructures nécessaires à l’organisation des jeux (accélération et simplification des consultations du public) et les démarches dématérialisées ont été très largement élargies (AG, dépôt de demandes d’autorisation, etc.)
Il convient désormais de tirer les apprentissages de ces mesures temporaires : la possibilité de recourir à des démarches dématérialisées doit être généralisée.
Les TPE et les PME doivent avoir la possibilité de réaliser 100 % de leurs démarches administratives de manière dématérialisée.
Toutes les entreprises doivent avoir un accès garanti à un interlocuteur direct, à un horaire déterminé à l’avance, dans le cadre de leurs démarches administratives afin d’obtenir des renseignements sur la législation, sur le suivi de leurs dossiers ainsi que sur des sujets techniques (Urssaf notamment).
En parallèle, et dans la continuité des efforts déjà réalisés, il est nécessaire de systématiser les foires aux questions lors de l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations qui impactent les chefs d’entreprises ainsi que des sessions d’informations publiques préalablement à l’entrée en vigueur.
Ces dispositions, de niveaux législatif et réglementaire, ont toute leur place dans leur projet de loi. L’expérience de la crise sanitaire permet d’envisager une cible ambitieuse de mise en œuvre sous un an.
Proposition 8
Restreindre le champ d’action de la CNDP et la CCC.
Certaines démarches et autorisations administratives requièrent un avis préalable d’instances consultatives chargées de veiller à ce que l’ensemble des parties prenantes concernées aient eu l’opportunité d’exprimer leur position sur un projet en amont de son dépôt. C’est le cas par exemple de la Commission nationale de débat public (CNDP) ou de la Commission de concertation du commerce (CCC).
Cependant d’autres modalités de concertations ont été introduites au cours des dernières années, l’intervention de ces instances devenant ainsi redondante et retardant la réalisation des projets sans véritable justification. S’agissant de la CNDP, la loi industrie verte a ainsi ouvert la possibilité de faire évoluer des projets industriels même une fois le dossier déposé, en interaction avec le public.
L’avis préalable de la CNDP n’est donc plus justifié et doit être aménagé. De même, la Commission de concertation du commerce a été remplacée par le Conseil national du commerce sans que les dispositions législatives nécessaires aient été prises.
L’existence et la temporalité des instances consultatives (CNDP, CCC) doivent être réévaluées (L) au regard des évolutions récentes du droit afin de simplifier et accélérer la réalisation des projets. Les projets démarrant dès 2025 pourraient ainsi être concernés par les nouvelles modalités.
Proposition 9
Proposer une visite de conformité et un rescrit pour faciliter l’accompagnement des entreprises.
La complexité et l’évolution permanente des normes a atteint un niveau tel que des entrepreneurs bien intentionnés ne peuvent plus savoir avec certitude s’ils sont en conformité avec leurs obligations.
Au-delà de la nécessaire simplification des normes, l’administration doit offrir des outils de sécurisation de la conformité des TPE et PME à leurs obligations, sur le modèle de l’examen de conformité fiscale qui peut être sollicité auprès de l’administration fiscale pour certaines évaluations.
Cela est particulièrement vrai dans le cadre de l’application de nouvelles règles. S’appuyant sur le retour d’expérience de la DGFiP, l’ensemble des administrations de contrôle (inspection du travail, environnementale, DGCCRF, DGDDI) devraient permettre aux entreprises de solliciter un examen de conformité aux règles dont elles ont la charge de vérifier la bonne application.
La possibilité de solliciter une visite de conformité doit être créée au plus vite par voie réglementaire. La possibilité de solliciter un délai de mise en conformité après la reprise pourrait être intégré dans le projet de loi. Ces dispositions renforceraient dès l’année prochaine la sécurité juridique des TPE et PME.
Proposition 10
Réduire les délais de contentieux et notamment prud’hommaux.
Les délais de recours et les durées de contentieux sont très épars selon la matière concernée (administratif, social, fiscal, urbanistique, environnemental) et trop longs (jusqu’à une année) ce qui nuit à la sécurité juridique des entreprises.
Un exemple symbolique et typique : celui des recours prud’hommaux. Les délais de recours prud’hommaux en matière de rupture du contrat de travail sont en effet très élevés en France.
Le délai de prescription médian dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est de deux mois à partir de la date effective du licenciement, là où il est d’un an en France. Ce délai affecte la prévisibilité du coût du licenciement et impacte in fine les décisions d’embauche. Le taux d’appel et la proportion de décisions infirmées est sensiblement supérieur à celui des autres instances : 60 % des décisions font l’objet d’un appel et plus de 70 % sont infirmées (totalement ou partiellement) contre environ 15 et 50 à 60 % dans les tribunaux de commerce et d’instance.
Dans la continuité des mesures mises en œuvre en 2017 pour améliorer la flexibilité du marché du travail, les délais de recours prud’hommaux fondés sur la rupture du contrat de travail doivent être réduits à 6 mois pour se rapprocher de la moyenne des pays comparables.
Proposition 11
Favoriser la coordination et l’acceptation des contrôles : en particulier revoir l’organisation des contrôles dans le domaine des établissements recevant du public.
Les TPE et PME sont susceptibles de subir un contrôle d’un grand nombre d’autorités publiques (administration fiscale, Urssaf, DGCCRF, DREAL, DGSCGC, etc.). De surcroît, c’est parfois en engageant une démarche administrative qu’une entreprise voit se multiplier les contrôles. Il en est ainsi d’une entreprise ayant sollicité le CIR et ayant été soumise dans la foulée à trois contrôles fiscaux différents sans qu’aucun ne révèle de fraude.
Proposition 12
Dépénaliser les niveaux de sanctions en cas de manquement, de bonne foi, à des obligations déclaratives des dirigeants.
Le droit des affaires a été fortement pénalisé là où des sanctions contraventionnelles seraient plus adaptée dans les cas de bonne foi.
Par exemple, un chef d’entreprise qui ne dépose pas le registre des bénéficiaires effectifs est susceptible d’une sanction pénale, et ce alors même qu’il n’a pourtant aucun moyen de s’assurer de la bonne réception de son dépôt auprès de l’administration. D’autres exemples de sanctions de niveau pénal peuvent peser sur la responsabilité des entrepreneurs sans que le niveau pénal ne puisse être justifié.
Cette situation pèse sur le moral des chefs d’entreprises et leur crainte de mal faire, là où souvent il ne peut leur être reproché qu’un manque d’information suffisante.
Il faut dépénaliser les niveaux de sanction en cas de premier manquement de bonne foi à des obligations déclaratives des dirigeants (par exemple, l’obligation de dépôt du registre des bénéficiaires effectifs).
Proposition 13
Astreindre toutes les administrations publiques à une contribution forfaitaire en cas de dépassement du délai de paiement.
Le taux de défaillance augmente significativement avec la longueur des délais de paiement des donneurs d’ordre publics. D’après la Banque de France, ce taux est presque deux fois plus élevé lorsque les délais sont supérieurs à 90 jours, par rapport au niveau atteint lorsque les donneurs d’ordre publics respectent le plafond légal de 60 jours.
Proposition 14
Faciliter drastiquement l’accès à la commande publique pour les TPE et PME.
L’accès à la commande publique est encore trop compliqué et redondant pour les TPE et PME. Plusieurs barrières demeurent :
– la multiplication des plateformes d’achats publics,
– la complexité et la longueur des procédures de consultation,
– des exigences techniques et financières élevées,
– le manque d’information et de visibilité sur les opportunités de marché, etc.
Cette lourdeur dissuade les TPE et PME de répondre aux consultations ou grève leur productivité lorsqu’elles ont remporté un marché. Pourtant, l’accès à la commande publique peut être un facteur déterminant pour le développement de ces entreprises dont l’ancrage territorial, la réactivité, et, pour certaines, le caractère innovant de leurs solutions, sont des opportunités auxquelles les acheteurs publics devraient avoir un accès facilité.
Ces mesures, marquant une véritable révolution dans l’accès des TPE et PME aux marchés publics, devront être pilotées dans la durée. En effet, tandis que certaines dispositions pourront être appliquées immédiatement, d’autres nécessiteront un accompagnement au long cours, tant en termes de déploiement de systèmes informatiques que de transformation des acheteurs publics.
Qu’en est-il des entrepreneurs ?
Les entrepreneurs font souvent face à des démarches lourdes et complexes qui les freinent dans leur quotidien. C’est pourquoi une consultation nationale à destination des TPE et PME françaises s’est tenue du 15 novembre au 29 décembre 2023. Elle a permis de faire émerger de nombreuses pistes d’amélioration. Présentation des mesures plébiscitées.
SOURCE : ECONOMIE.GOUV
Remise du rapport sur le projet de loi simplification | Ministère de L’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique