Projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agricultureSouveraineté alimentaire, guichet unique France Services Agriculture, règles sur les haies simplifiées, contentieux sur les retenues d’eau accéléré… Que contient le projet de loi d’orientation agricole qui ambitionne de répondre au double défi du renouvellement des générations agricoles et du changement climatique ?

Le projet du gouvernement

Le projet de loi entend apporter des réponses à la crise que traverse le monde agricole. Cette crise touche aussi d’autres pays européens.

Souveraineté alimentaire et agricole

Le projet de loi fait de la souveraineté alimentaire un objectif structurant des politiques publiques. Le code rural et de la pêche maritime est modifié en ce sens. Il affirme désormais le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation. Il précise que « les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire ». Ainsi la prise en compte des enjeux agricoles dans les politiques publiques est renforcée.

Le texte redéfinit de plus les finalités de la politique d’installation et de transmission en agriculture, qui « a pour objectif de contribuer à la souveraineté agricole de la France, en favorisant le renouvellement des générations d’actifs en agriculture par l’accompagnement des reprises d’exploitation ».

Le gouvernement devra remettre tous les ans au Parlement un rapport sur la situation de la souveraineté alimentaire.

Former les agriculteurs de demain

D’ici 10 ans, plus d’un tiers des agricultrices et des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite. Le renouvellement des générations est donc un défi immédiat.

Le projet de loi définit ainsi les priorités d’action publique en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation. L’État, les régions et les autres collectivités locales volontaires devront établir un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles et des autres métiers du vivant. Ce programme comportera pour tous les écoliers des actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation à la souveraineté alimentaire et la transition agroécologique. Il visera également à offrir des stages de découverte des métiers du vivant aux élèves de collège. L’État et les régions mettront également en place un programme national triennal de formation accélérée destiné aux 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration qui accompagnent les agriculteurs et futurs agriculteurs.

Un dispositif intitulé « contrat territorial de consolidation ou de création de formation » pour l’enseignement agricole est institué. Il devra répondre dans les régions aux besoins de renouvellement des générations d’agriculteurs et des professionnels de l’agroalimentaire en augmentant le nombre de jeunes formés. Un « Bachelor Agro », diplôme national de niveau bac+3 dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, est de plus créé. Il doit devenir un niveau de formation de référence dans ces métiers.

Faciliter les transmissions et les installations

Le projet de loi précise les objectifs auxquels les politiques publiques devront répondre d’ici 2035 en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations. À cet effet, l’État mettra en place dans chaque département un guichet unique d’accueil, d’orientation et d’accompagnement, constitué par la chambre d’agriculture, et destiné à toutes les personnes voulant s’engager dans une activité agricole ou céder une exploitation. Dénommé « France Services Agriculture », ce service et réseau offrira accès à des outils de diagnostic qui permettront d’évaluer les exploitations à céder ou les projets d’installations au regard de leurs performances économiques ou sociales mais aussi du changement climatique. Un module dit « stress test » résilience climatique sera développé dès 2025 afin d’évaluer la résilience du projet d’installation ou de transmission.

Le texte adapte en outre les dispositions sur l’obligation de déclaration d’intention de cessation d’exploitation pour que les exploitants se fassent connaître et soient accompagnés le plus tôt possible dans la démarche de transmission de leur exploitation. Afin de faciliter les mises en relation entre cédants et repreneurs et le suivi des installations et des transmissions, les informations relatives aux exploitants concernés seront regroupées dans un répertoire unique départemental.

Dans la mesure où les installations hors cadre familial sont aujourd’hui majoritaires, le projet de loi propose la création des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). Il s’agit d’attirer, de manière maîtrisée, des capitaux privés qui contribueront à financer l’effort d’investissement nécessaire lors de l’installation en agriculture, s’agissant notamment du portage du foncier.

Simplifier la réglementation, accélérer les contentieux

Dans un objectif de simplification et de sécurisation des activités agricoles, le projet de loi propose différentes mesures pour :

– adapter par ordonnance le régime des sanctions pour atteinte à l’environnement (conservation des espèces et espaces protégés) ;
– simplifier les règles applicables à la gestion des haies ;
– sécuriser ou simplifier le cadre juridique applicable aux chiens de protection de troupeaux, aux sous-produits lainiers ou aux installations aquacoles ;
– introduire, sans remettre en cause la compétence du bloc communal, de plus grandes facultés d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau ;
– adapter les règles sur la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs.

Des dispositions permettront également d’accélérer les décisions des juridictions dans les contentieux portant sur des projets de retenues d’eau et d’installations d’élevage (réserves d’eau ou bassines, porcheries, poulaillers…).

L’examen du texte au Parlement

Les députés ont largement modifié le projet de loi, notamment son article 1er qu’ils ont réécrit tout en confirmant le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture et de la pêche. D’ici juillet 2025, puis tous les dix ans, le gouvernement devra présenter une programmation pluriannuelle de l’agriculture. Les objectifs de la politique d’installation et de transmission en agriculture ont été redéfinis.

Toujours en matière de souveraineté agricole, ils ont proposé d’instaurer d’ici 2025 un affichage clair de l’origine des produits alimentaires sous forme d’un graphique (provenance des matières premières en pourcentage, part d’origine française, pays de fabrication ou de transformation). L’objectif est d’éviter les fraudes et tromperies sur l’origine française des produits agricoles (vins, miels, produits transformés…). De son côté, le gouvernement envisage d’expérimenter d’ici cet été un logo « Origine’Info ». Un autre amendement interdit explicitement l’importation de produits alimentaires ou agricoles qui ne respectent pas les normes européennes (en matière de pesticides, d’antibiotiques, d’aliments pour animaux…).

Concernant la formation, les députés ont renommé le nouveau diplôme agricole Bac +3.

Sur le volet « installations et transmissions », des objectifs chiffrés ont été ajoutés sur le nombre d’agriculteurs que devra compter la France d’ici 2035 -au moins 500 000- et sur la part des surfaces agricoles en agriculture biologique et en légumineuses d’ici 2030 (respectivement 21% et 10%). Des amendements fixent à l’État l’objectif de réformer la fiscalité sur la transmission des biens agricoles, notamment du foncier agricole, dès 2025 et de contrôler les phénomènes d’agrandissement par la régulation des marchés fonciers. Le nouveau dispositif de diagnostic dit modulaire permettant d’évaluer les exploitations agricoles avant leur transmission a été adopté, après réécriture. En revanche, l’article qui créait des groupements fonciers agricoles d’investissement a été supprimé par les députés qui craignent une financiarisation de l’agriculture.

Le régime des sanctions pour atteinte à l’environnement a été modifié par un amendement du gouvernement (il avait initialement prévu une ordonnance). Il n’y aura délit qu’en cas de faits intentionnels. L’administration pourra imposer un stage de sensibilisation aux enjeux de l’environnement. Une transaction pénale sera possible, notamment lorsque l’atteinte à l’environnement résulte de l’entretien d’une haie en dehors des périodes autorisées.

Un nouvel article 13 bis a été introduit par les députés pour prévoir que « lors d’un contrôle opéré dans les exploitations agricoles, la bonne foi de l’exploitant est présumée ».

Les différents bénéfices écologiques des haies ont été précisés et les sanctions pour destruction illégale de haie abaissées (amendes de 450 euros ou 1 500 euros maximum). Enfin, un amendement vise à garantir l’application des accords interprofessionnels dans le secteur agricole.

Le Sénat doit à présent débattre du projet de loi.

SOURCE : VIE PUBLIQUE
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