Conformément aux règles européennes, c’est la Commission européenne qui, faute d’accord entre les pays de l’Union européenne (UE), a tranché pour l’approbation du glyphosate dans l’UE jusqu’en 2033.
Mais qu’en est-il du débat autour de cet herbicide ? Le point en sept questions.
Qu’est-ce que le glyphosate ?
Le glyphosate est une substance chimique utilisée dans la fabrication des herbicides.
Ce désherbant est principalement utilisé pour détruire les « plantes indésirables ».
Le glyphosate a la particularité de pouvoir être utilisé dans une grande variété de situations, sur tous types de végétaux. Le produit est absorbé par la plante pour être ensuite véhiculé par la sève. C’est pourquoi il est utilisé aussi bien en arboriculture ou en viticulture que pour l’entretien des espaces urbains et industriels (notamment l’entretien des lignes de chemin de fer).
Quels sont les points de vue scientifiques sur le glyphosate ?
Le glyphosate suscite le débat depuis mars 2015. À l’origine de la controverse : son classement comme « probablement cancérigène pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence intergouvernementale sous l’autorité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des Nations unies. Outre les effets potentiels sur la santé humaine, les associations s’inquiètent également des répercussions sur la biodiversité et l’environnement, notamment sur les eaux de surface.
Cette évaluation a été contredite en novembre 2015 par les conclusions d’une étude rendue publique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). En 2017, le comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a confirmé – par consensus des experts nationaux des 27 États membres de l’Union européenne (UE) – que la substance active ne pouvait pas être classée comme cancérogène, mutagène ou toxique. L’ECHA a réitéré en 2022 que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.
Il s’agit là d’une divergence d’opinions scientifiques. Le CIRC a classé le glyphosate comme « probablement cancérigène pour les humains », ce qui n’est pas le cas des agences européennes et des autorités nationales des États membres.
L’Anses s’explique sur un document de travail sur le glyphosate daté de 2016 et publié en mars 2024
Le 25 mars 2024, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rendu public un document de travail accompagné d’une notice explicative.
L’Anses explique avoir été saisie, en 2015, « par des ministères de tutelle d’une demande d’expertise pour éclairer les questionnements scientifiques relatifs à la cancérogénicité du glyphosate ». Pour y répondre, l’Agence avait alors constitué un groupe d’expertise collective en urgence (GECU), qui avait livré un premier rapport et un premier avis de l’Anses, datés du 9 février 2016.
Dans ce cadre, « l’Anses s’était auto-saisie, par le mandat donné au GECU en 2015, de questions complémentaires sur la génotoxicité des produits formulés à base de glyphosate, traitées dans un second temps après la question de la cancérogénicité du glyphosate ». Cette seconde partie n’ayant été ni menée à son terme, ni validée selon les procédures de l’Anses, elle n’avait pas été publiée.
Toutefois, en mars 2024, l’Anses a fait le choix de rendre publique la dernière version du document de travail à des fins de transparence. La notice explicite notamment les évaluations et décisions qui ont eu lieu, de façon parallèle aux travaux du GECU de 2015-2016, en France et à l’échelle européenne, et qui ont conduit à ne pas achever ces travaux.
Comment se déroulent les procédures de renouvellement de l’autorisation européenne depuis 2015 ?
Le glyphosate a été inscrit sur la liste des substances actives approuvées par l’Union européenne en 2002.
Depuis 2015, les procédures de renouvellement de l’approbation de la substance font l’objet de débats publics plus larges sur l’autorisation et l’utilisation des pesticides au sein de l’UE. L’initiative citoyenne européenne « Interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques » a été présentée à la Commission le 6 octobre 2017, après avoir recueilli 1 070 865 déclarations de soutien.
Toutefois, se fondant sur les conclusions de l’étude de l’EFSA de 2015, la Commission a proposé, en 2017, le renouvellement de la licence du glyphosate pour cinq ans. Les États membres l’ont validé le 27 novembre 2017 (18 ayant voté en faveur, 9 contre dont la France, et 1 s’étant abstenu). L’utilisation du glyphosate a ainsi été autorisée jusqu’au 15 décembre 2022.
En décembre 2019, une nouvelle demande de renouvellement de la licence du glyphosate au-delà de 2022 a été introduite. Cette prolongation a été accordée pour un an de plus, jusqu’en décembre 2023.
Que dit le rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments de 2023 ?
Rendu public le 13 septembre 2023, le rapport final de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) indique ne pas avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher son autorisation.
Le rapport identifie cependant des « lacunes dans les données », des « questions non résolues » et des « questions en suspens ». L’Agence a mis en évidence « un risque élevé à long terme pour les mammifères dans 12 des 23 utilisations proposées du glyphosate ».
C’est sur les conclusions de l’EFSA que la Commission européenne fonde sa proposition du 19 septembre 2023 de renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour une durée de dix ans, à savoir, jusqu’en 2033.
Que préconise la Commission européenne sur le glyphosate en 2023 ?
La Commission européenne a proposé de soumettre au vote des États membres un renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour une durée de dix ans.
Pas d’accord entre les 27 pays de l’UE
L’autorisation dans l’UE du glyphosate prend fin le 15 décembre 2023.
Les 27 pays de l’UE ne sont pas parvenus à s’accorder sur le renouvellement pour dix ans de l’autorisation du glyphosate dans l’UE lors d’un premier vote le 13 octobre 2023. Ce vote à la majorité qualifiée nécessitait 15 pays sur 27 représentant au moins 65% de la population de l’UE.
Le 16 novembre 2023, un deuxième vote des 27 États membres n’a pas dégagé la majorité qualifiée requise pour ou contre la recommandation.
Conformément à la législation de l’UE et en l’absence de la majorité requise dans un sens ou dans l’autre, la Commission est tenue d’adopter une décision avant le 15 décembre 2023. Elle procédera, en collaboration avec les États membres, au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions.
La Commission estime en effet qu’ »on ne peut s’attendre, à court terme, à obtenir suffisamment de nouvelles informations pour aboutir à un résultat différent » des études menées depuis 2012 sur le glyphosate. La Commission précise toutefois qu’avec « l’intensification des recherches sur le glyphosate ces dernières années », de « nouvelles connaissances » sur la matière active pourraient apparaître.
La Commission préconise un certain nombre de conditions d’utilisation, voire des restrictions, pour prendre en considération les incertitudes sur la santé humaine et sur l’environnement. Elle recommande notamment :
– la mise en place de bandes tampons de cinq à dix mètres pour éviter la contamination de champs proches ;
– l’utilisation d’équipements pour réduire la dérive en pulvérisation d’au moins 75%.
Enfin, la Commission enjoint les États membres à « prêter attention » à certains sujets identifiés comme potentiellement à risque (exposition des consommateurs aux résidus, protection des eaux de surface…). La Commission souhaite laisser la possibilité aux pays de l’UE de « prendre des mesures d’atténuation appropriées, si nécessaire ».
Quelle est la position de la France sur le glyphosate ?
Le glyphosate a été autorisé pour la première fois en France en 1974.
En 2017, la France avait voté contre la réautorisation du glyphosate dans l’UE pour une durée de cinq ans.
En 2019, les autorités publiques ont mis en place un plan d’action pour la sortie du glyphosate.
En 2020, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a mené une évaluation comparative des alternatives non chimiques au glyphosate. Elle a déterminé les situations pour lesquelles le glyphosate peut être substitué par une solution non chimique (principalement le désherbage mécanique), à condition que celle-ci soit couramment utilisée.
En 2023, la France décide de s’abstenir lors du vote de la proposition de la Commission européenne sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour dix ans dans l’UE.
Quel est le système d’autorisation des pesticides au sein de l’UE ?
L’Union européenne dispose d’un système d’autorisation des pesticides considéré comme très strict. Depuis 25 ans, plus de 700 substances ont été interdites.
Avant d’être approuvée, une substance active qui entre dans la composition d’un pesticide doit passer par une procédure d’évaluation scientifique. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – en coopération avec les autorités compétentes de tous les États membres – passe en revue toutes les études scientifiques disponibles avant de donner son avis à la Commission européenne.
Celle-ci présente ensuite aux États membres une proposition d’interdiction ou d’approbation de cette substance, accompagnée si nécessaire de recommandations concernant la gestion des risques. Les États membres sont ensuite invités à voter sur la proposition de la Commission.
Depuis 2019, les industriels européens doivent déclarer l’ensemble des études commandées en soutien à leur demande d’autorisation ou de renouvellement. Les citoyens y ont automatiquement accès. La Commission peut demander à l’EFSA de procéder à des études destinées à contrevérifier des éléments fournis à l’appui des demandes d’autorisation ou de renouvellement.
Une substance non autorisée au niveau européen ne peut être ni commercialisée, ni utilisée, dans les États membres. En revanche, si une substance est autorisée au niveau européen, un État membre peut toujours restreindre ou même interdire sa commercialisation.
SOURCE : VIE PUBLIQUE
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