L’article 1 de la loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, est entré en application au 1er janvier 2015.
Cette loi prévoit que le gouvernement français adresse au Parlement européen un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle toxicité.
Ce dit-rapport a été envoyé au Parlement en décembre dernier. Il dresse un état des lieux des connaissances sur la substitution du bisphénol A dans les matériaux au contact des denrées alimentaires et diverses autres applications telles que les tickets thermiques (voir le document complet ci-dessous). Cet état des lieux est accompagné d’un bilan sur les données disponibles relatives à la toxicité des substituts. Et dresse également la liste des conséquences liées au recours à des substituts du bisphénol A. Extraits du rapport.
Rapport complet à télécharger ici :
Substituts-BPA-Rapport-Parlement-Loi-24122012
CONSEQUENCES DE LA SUBSTITUTION
1) Diminution de la date limite d’utilisation optimale (DLUO).
« La conséquence sur les denrées conditionnées est, d’une manière générale, la baisse des
durées de conservation (notamment DLUO) des denrées alimentaires. Les industriels ont eu
recours à des tests de vieillissement accélérés et indiquent avoir appliqué le principe de
précaution pour fixer les nouvelles durées d’utilisation, avec une diminution en moyenne d’un
an dans l’attente des résultats définitifs.
Pour rappel, l’article R112-22 du code de la consommation impose aux professionnels d’indiquer une date jusqu’à laquelle la denrée conserve ses propriétés spécifiques dans des conditions de conservation appropriées, sous peine, pour le professionnel, d’engager sa responsabilité. »
2) Perte de compétitivité
« Les parties prenantes associent la réduction des DLUO à une perte de compétitivité, surtout sur le marché international : la distribution n’achetant pas de produits alimentaires appertisés à plus d’un tiers de leur DLUO et à plus de 20 % de cette durée pour les boîtes de boissons.
Les industries agroalimentaires sont préoccupées par l’impact sur le marché de l’export, car les autres pays continuent à utiliser des résines époxydes. Les représentants des fabricants d’emballages métalliques relèvent que, si la substitution du bisphénol A est désormais très engagée en France, ce n’est probablement pas le cas des industriels de toute l’Union européenne. Cela pourrait poser des problèmes d’approvisionnement et des risques de pertes de parts de marché pour les industriels français entraînant des réductions d’activités ou des délocalisations vers des pays autorisant le bisphénol A pour cet usage. »
3) Augmentation du coût des emballages
« Ces mêmes représentants signalent l’augmentation du coût des emballages, l’expliquant par les coûts de l’amortissement de recherche et développement, le coût supplémentaire des vernis, la réduction des quantités mises en production (atténuant les économies d’échelle liées aux productions de très grands volumes), l’augmentation des épaisseurs des vernis et la baisse de productivité. À titre d’exemple, le surcoût lié à la substitution représenterait 5 à 10 % du prix d’achat pour une capsule de bière. Les distributeurs sont préoccupés par les surcoûts et par les risques liés aux difficultés d’approvisionnement, suite à la suspension de l’importation. »
4) Problèmes organoleptiques sur certains substituts
« Les représentants des fabricants d’emballages métalliques ont indiqué à la DGCCRF que les essais ont été réalisés avec succès sur plus de 90 % des denrées alimentaires et que les 10 % restants concernent les aliments les plus agressifs. Les solutions de remplacement sont jugées coûteuses et entraînent des durées d’utilisation moins importantes. De plus, la profession note l’apparition de difficultés, notamment organoleptiques, sur certains substituts alors que ces derniers étaient homologués. La rapidité des tests imposée par la relative rapidité d’entrée en vigueur de la loi (2 ans) n’a en effet pas permis d’effectuer des tests de vieillissement dans de bonnes conditions. »
5) Difficultés à trouver des solutions sur les produits saisonniers et agressifs
« La profession rencontre des difficultés vis-à-vis des échéances de la loi en lien avec les produits saisonniers qui ne sont disponibles en quantité suffisante qu’une fois par an après récolte.
Les fabricants d’emballages considèrent que, bien que des solutions techniques aient été trouvées pour la majorité des denrées alimentaires, il existe un risque que les produits encore en test ne trouvent pas de solutions techniques avant l’échéance du 1er janvier 2015. Les représentants des industries agroalimentaires indiquent que les solutions déjà validées semblent satisfaisantes en termes d’applicabilité industrielle.
Toutefois, selon ces derniers, de nombreux tests sur des denrées alimentaires étaient encore en cours de validation en avril dernier. Des difficultés importantes ont été être rencontrées sur les produits agressifs (principalement les denrées acides) et certains procédés de fabrication d’emballages sont plus sensibles et plus complexes que d’autres (certains produits plus agressifs n’étaient par exemple qu’à l’étape 3 sur 5 de test au printemps 2014).
Le secteur de la conserve estime dans le rapport que la profession des conserveurs sera prête aux échéances prévues par la loi pour la quasi-totalité de la production. Elle précise que toutes les matrices importantes ont déjà été testées mais qu’elle pourrait rencontrer des problèmes de qualité pour une partie de sa production. »
Ces données ressortent d’une enquête réalisée au cours du 1er semestre 2014 auprès des principaux syndicats représentatifs des secteurs impactés par la loi (« parties prenantes») en vue de l’élaboration de ce rapport. Le questionnaire a ciblé les principales applications impactées, à savoir les vernis constitués de résine époxyde et les objets en matière plastique polycarbonate. Ces applications constituent les enjeux industriels majeurs de la substitution du bisphénol A.
Selon les représentants industriels, les secteurs concernés par la loi sont :
– les conserves : fruits, légumes, plats cuisinés, foie gras, poissons, condiments, etc ;
– les boîtes/cannettes de boissons : sodas, eaux minérales, bières, boissons énergisantes, boissons mixtes (sodas/alcools, vins) pour environ 4 milliards de boîtes ;
– les capsules pour : vins, alcools, sodas, eaux minérales, bières, champagnes, bières… et les couvercles pour conserves en verre, confitures, préparations pour la petite enfance, condiments… (environ 4 milliards d’unités) ;
– les aérosols alimentaires : crèmes, assaisonnements… ;
– les préparations pour la petite enfance : lait en poudre, compotes, additifs alimentaires… ;
– les boîtes promotionnelles : bidons alimentaires (sirops), boîtes à gâteaux, à confiseries, sucreries, bidons pour huiles et assaisonnements.
Au sein de l’Union européenne, le bisphénol A est encadré par le règlement (UE) n°10/2011du 14 janvier 2011, concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Dans ce cadre, le BPA est autorisé pour la fabrication de matériaux en contact avec les aliments avec une limite de migration spécifique de 0,6 mg/kg dans les aliments. Il est interdit dans la fabrication de biberons en polycarbonate et en tant qu’additif dans toutes les matières plastiques destinées au contact des denrées alimentaires, suite à la notification de mesures nationales en 2010 par deux Etats membres (la France et le Danemark).